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Gestion urbaine des eaux pluviales > Techniques de contrôle des flux d\'eau et de polluants > Aspects réglementaires et socio-économiques


L'idée originelle du "tout à l'égout", émerge en Europe au début du XIXème siècle et peut clairement être associée au mouvement hygiéniste. Son fondement scientifique repose sur une analogie entre le fonctionnement de la ville et celui d'un organisme vivant. L'eau doit ainsi être "apportée dans la ville par un système artériel et évacuée par un système veineux, les deux actionnés par un même coeur central" (Ward, cité par Chocat et al, 1997). Citernes et fosses, qui étaient jusqu'à cette époque les systèmes de base de la gestion des eaux pluviales et des eaux usées, deviennent "deux formes de stagnation pestilentielle" qu'il convient d'éradiquer. Pendant très longtemps la réglementation va aller dans le sens exclusif du tuyau visant à l'évacuation rapide des eaux de toutes natures. En Europe de l'ouest, les énormes besoins de reconstruction rapide des villes après la seconde guerre mondiale amènent les techniciens à utiliser de grands bassins de retenue à ciel ouvert. Ces ouvrages ne sont cependant considérés que comme une solution d'attente et sont progressivement remplacés dès les années 50 par des tuyaux. Ce n'est que depuis une quarantaine d'années que les réglementations commencent à évoluer, souvent pour s'adapter à des pratiques qui se diversifient.



En France, la parution en 1977 de la nouvelle Directive sur l'assainissement, propose des règles de dimensionnement des bassins de retenue et promeut ainsi leur usage. En fait elle ne fait qu'adapter la réglementation à une technique qui s'est beaucoup développée, en particulier dans le cadre de la construction de villes nouvelles (par exemple Marne la Vallée ou l'Isle d'Abeau), dans des zones sans exutoire naturel simple pour les eaux de ruissellement. L'objectif essentiel reste la lutte contre les inondations.

Aux Etats-Unis, dans les années 70, le "clean water act" donne le signal du développement de "meilleures pratiques de gestion" ("Best Management Practices") des eaux pluviales urbaines (Field et al, 2006) dans le but d'améliorer la qualité des milieux récepteurs. Cet exemple est peu à peu copié un peu partout en Europe et dans le reste du monde. En France quelques collectivités font office de pionniers (Communauté Urbaine de Bordeaux, Départements de la petite couronne parisienne, Communauté urbaine de Lyon, etc.) ; voir par exemple Azzout et al (1994), Chaïb (1997), CERTU (2006). L'objectif de lutte contre les inondations reste fort mais cède progressivement du terrain vis-à-vis de l'objectif de limitation des rejets polluants.

La Directive cadre européenne "Eaux Résiduaires Urbaines" marque un tournant partout en Europe en imposant le traitement des eaux polluées même pendant les périodes pluvieuses. Depuis le contexte réglementaire n'a cessé de préconiser l'utilisation de stratégies plus durables de gestion des eaux pluviales, du moins dans les pays développés.

Les stratégies utilisées pour promouvoir ces technologies peuvent se diviser en quatre grands groupes :
  • l'obligation réglementaire : c'est le cas par exemple en Suisse où l'infiltration des eaux de toitures est imposée (ASPPE, 2006) ou en Belgique où c'est leur stockage qui est obligatoire (Moniteur Belge, 2006).
  • l'incitation réglementaire : c'est la situation française où le nouveau guide technique édité par le CERTU (2003), érige en principe la déconnection des zones imperméables des réseaux d'assainissement de toute nature (réseaux unitaires, mais aussi réseaux séparatifs eaux pluviales).
  • L'incitation financière, qui peut prendre la forme d'aides financières consenties aux particuliers pour le développement de techniques de gestion des eaux pluviales à la parcelle comme aux Etats-Unis ou sur certains territoires français (Agence de l’eau Artois-Picardie, 2006).
  • L'éducation des particuliers ou la formation des techniciens pour leur expliquer l'intérêt des techniques durables.
L’encadré ci-dessous donne l’exemple du fonctionnement du Clean Water State Revolving Fund (CWSRF) qui permet le financement des techniques alternatives aux Etats-Unis.

Pour en savoir plus : voir le site http://www.epa.gov/water/funding.html



Le CWSRF a été créé par le congrès en 1989. Il s’agit de fonds gérés par chaque état (chaque état plus Porto Rico en a un), et qui permettent d’obtenir des prêts à des taux inférieurs à ceux du marché (jusqu’à un taux zéro) pour toute action visant à améliorer la qualité des milieux aquatiques. Les projets peuvent être financés à 100 % par le prêt.

Sont éligibles pour les prêts : les collectivités locales, les groupes de citoyens, les entrepreneurs, les agriculteurs, les propriétaires de maisons, les gestionnaires de bassins versants, les associations.

Une condition nécessaire est que le type ou la nature du rejet polluant ait été identifié par l’Etat dans un plan de gestion des pollutions diffuses (Non Point Source Management Plan). Les règles d’éligibilité sont définies au niveau de chaque Etat et peuvent être assez différentes d’un état à l’autre. Les rejets urbains de temps de pluie (RUTP) sont généralement concernés et le CWSRF constitue de fait la source principale de financement des actions de lutte contre la pollution urbaine de temps de pluie.

Le montant moyen annuel des prêts accordés a été de 4 milliards de dollars au cours des 3 dernières années et atteint 42 milliards de dollars depuis 1989. Sur ce montant, 1,6 milliards de dollars ont servi à financer 3 400 projets visant à la réduction de RUTP. Comme il s’agit de prêts, les remboursements permettent de réalimenter la caisse disponible sans nécessiter d’apports budgétaires complémentaires de la part des Etats.
Malgré tout, les freins restent nombreux : transfert de responsabilités financières, statut compliqué des nouveaux ouvrages, (mauvaises) habitudes des techniciens, obligation d'intégrer la problématique de la gestion des eaux beaucoup plus tôt dans la conception des aménagements, manque de formation des professionnels, peur de la nouveauté, etc.. Le résultat est que, dans la plupart des pays, les techniques se développent de façon très rapide sur certains territoires parce que les acteurs sont convaincus de leur intérêt et ne se développent pas du tout ailleurs pour la raison inverse.

En pratique, l’élément le plus favorable au développement de ces techniques est leur coût qui permet souvent des économies substantielles par rapport à la mise en place d’un réseau conventionnel, comme l’illustre le tableau 2 extrait de Chéron & Puzenat (2004).
Technique Coût Entretien, nettoyage Observations
Terrasses 0
Tranchées ou fossés drainants 30,5 à 38 €/m3 0,30 à 0,46 €/m3/an Suivant la structure de la surface
Puits d’infiltration 3€/m² de surface assainie 1,5 €/m² de surface assainie
Noues 3 à 15€/m3 stocké ou 15 à 30€ par ml Curage tous les 10 ans, entretien espaces verts
Dalles béton gazon 15€/m²
Chaussées réservoir 33,5 à 67€/m3 0,15 à 0,75 €/m3/an Durée de vie de l'enrobé 10 à 15 ans
Bassin en eau 9 à 60€/m3 0,15 à 0,45 €/m3 6 à 7% des investissements en GC
Bassin en béton couvert 150 à 530€/ m3
Bassin en béton non couvert 75 à 150€/m3 70% GC, 30% équipements GC 15 % investissements / an 30 ans
Bassin sec 9 à 90€/m3 (rural <-> urbain) 0,3 à 1,5 €/m3
Structure alvéolaire 150 à 230€/m3 0,3 à 1,5 €/m3/ an
Tableau 2 : Coûts des différentes techniques compensatoires (hors foncier, 1999) d’après Chéron & Puzenat (2004)