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Populations microbiennes des réseaux de distribution d'eau potable


Dans les réseaux de distribution d’eau potable, malgré les conditions difficiles au développement bactérien (présence d’agent biocide circulant, milieu très pauvre en nutriments), plusieurs groupes d’organismes vivants sont traditionnellement rencontrés au niveau des biofilms ou dans l’eau circulante : bactéries hétérotrophes, virus, protozoaires, levures, champignons et algues.



Bactéries


Les systèmes de distribution d'eau potable sont colonisés par des bactéries hétérotrophes, saprophytes, dont un grand nombre ne sont pas identifié. Une grande variété de ces bactéries, allant des bactéries potentiellement pathogènes, aux coliformes et différents types de bactéries aquatiques, a été isolée à partir des biofilms, dans des eaux ayant été chlorées ou non. Ces types bactériens trouvent des conditions favorables et prolifèrent dans ces systèmes.

Les densités bactériennes sont variables selon le type de biomasse considérée. Ainsi, pour (Block et al., 1993 ; Servais et al., 1995 ; Sibille et al., 1997) :
  • biomasse circulante : de 5.103 à 106 cellules.ml-1 dont une fraction cultivable sur milieu gélosé variant de 0,0006 à 0,03% de la population totale,
  • biomasse fixée : de 3.106 à 2.107 cellules.cm-2, dont 6 à 9% cultivables sur gélose après 15 jours, par rapport au nombre de total de cellules (comptage au microscope après coloration).
Parmi les bactéries dénombrées, un grand nombre d’espèces ont été identifiées, aussi bien au niveau de la phase circulante, qu’au niveau du biofilm (cf. tableau I).

Espèces ou genres
Dans l’eau distribuée : Pseudomonas. vesicularis – Pseudomonas Maltophilia– Pseudomonas diminuta – Pseudomonas paucimobilis - Flavobacterium sp.– Acinetobacter sp. – Moraxella sp. – Arthrobacter sp. – Micrococcus sp.
Dans le biofilm : Pseudomonas vesicularis – Pseudomonas cepacia – Pseudomonas picketti – Pseudomonas stutzeri – Flavobacterium sp. – Alcaligenes sp. – Acinetobacter sp. – Moraxella sp. – Agrobacterium radiobacter – Arthrobacter sp. – Corynebacterium sp. – Bacillus sp. – Enterobacter agglomerans
Tableau I : Quelques espèces bactériennes mises en évidence dans divers réseaux de distribution d’eau potable post-chlorée (0,2 - 0,4 mg Cl2 libre) (LeChevallier et al., 1987 ; LeChevallier, 1990)


A ces bactéries hétérotrophes banales s'ajoutent des bactéries d'origine fécale ou pathogènes :

Les coliformes


Les bactéries appartenant à la famille des coliformes, utilisées pour le contrôle de la qualité de l'eau distribuée, servent d'indicateur de contamination fécale. La présence de telles bactéries au niveau des réseaux de distribution d'eau peut entraîner des risques de contamination du consommateur, par des microorganismes à tropisme intestinal.

Dans la plupart des eaux potables, leur fréquence d'isolement est très faible, l'objectif premier du traitement de potabilisation étant de les éliminer. D'où, leur faible représentativité par rapport aux bactéries hétérotrophes banales.

L'isolement sporadique de coliformes en période chaude et en absence de tout épisode de contamination externe laisse supposer que ces germes sont capables de survivre dans les réseaux de distribution et de se multiplier au sein du biofilm. Les observations de coliformes sont généralement associées à de fortes concentrations en bactéries (supérieures à 5,2 log). La présence de coliformes serait également liée à la température de l'eau distribuée (supérieure à 15°C), sa teneur en matière organique biodégradable ( > 0,15 mg CODB.L-1; > 100 µg COA.L-1), son pH, la présence de tubercules de corrosion, et à l'absence ou la prévalence de très faibles concentrations en désinfectants résiduels tels que le chlore (LeChevallier et al.,1994 ; Martin et al., 1982 ; Volk et al., 1994).

Plusieurs études (Fass et al., 1996) ont montré que l'introduction expérimentale d'Escherichia coli, dans le réseau de distribution se traduit par un lessivage lent des bactéries introduites (cf. figure 5). Dès les premières heures, de 1 à 10% de la population introduite se fixent sur les surfaces des conduites. Durant cette période initiale, la densité d'Escherichia coli est plus élevée dans la phase eau que dans le biofilm. La multiplication des Escherichia coli survivants est observable, 7 à 8 jours après la contamination, sans toutefois obtenir une stabilisation de leur nombre. Après 10 jours, le biofilm contient environ 10 fois plus de Escherichia coli que la phase eau. Ce fait traduit une multiplication préférentielle au niveau du biofilm. Malgré leur capacité à se multiplier, la colonisation du réseau par Escherichia coli n'est que partielle et transitoire.

Comportement d'Escherichia coli introduit expérimentalement dans un réseau de distribution d'eau
Figure 5 : Comportement d'Escherichia coli introduit expérimentalement dans un réseau de distribution d'eau (injection unique de 1011 UFC à t0; température : 20°C). Les données sont exprimées comme le logarithme du nombre total d'UFC dans la phase eau (240 litres) ou à la surface du biofilm (Fass et al., 1996).


Les bactéries pathogènes


Les germes pathogènes véhiculés par l'eau sont essentiellement des bactéries et virus, voire des parasites. Ils proviennent, pour la plupart, de déjections humaines ou animales. Certains n'ont pas cette origine fécale et sont qualifiés d'opportunistes, c'est-à-dire qu'ils sont naturellement présents dans l'environnement et ne manifestent leur virulence que sur des personnes immunodéprimées.

L'exposition à une eau du robinet contaminée se produit essentiellement par ingestion. Le contact avec la peau ou l'inhalation (tout particulièrement lors de douches) sont aussi des voies de pénétration possibles. Dans les pays développés, les progrès en matière d'hygiène et de vaccinations ont considérablement fait régresser les maladies d'origine hydrique ; la généralisation de la distribution publique d'eau de qualité a contribué à cette avancée. Néanmoins, dans certaines communes (surtout de petite taille), la qualité de l'eau distribuée n'est pas irréprochable et constitue encore un facteur de risque pour la santé.

Parmi la flore bactérienne introduite dans les réseaux de distribution, des microorganismes pathogènes ou potentiellement pathogènes peuvent être détectés sous forme de spores principalement, tels que Legionella, Yersinia enterocolitica, Staphylococcus aureus, Campylobacter jejuni, Vibrio cholera, Shigella sp., Helicobacter pylori, peuvent également être présents au sein des réseaux de distribution. Les symptômes associés à l'infection par ces pathogènes correspondent le plus souvent à des troubles gastro-intestinaux tels que des diarrhées, des crampes intestinales, des vomissements. De grandes fatigues peuvent également être ressenties.

Cependant, la résistance des biofilms à la colonisation de bactéries pathogènes, non autochtones, ne permet pas leur implantation de façon durable au niveau du réseau de distribution, ces bactéries pathogènes se trouvant dans un environnement défavorable, oligotrophe, et déjà colonisé par d'autres bactéries.

Remarque : Comme dans tout environnement oligotrophe, les bactéries se développant au sein des réseaux de distribution présentent des adaptations morphologiques et physiologiques. Une de ces adaptations consiste en la miniaturisation des cellules, qui peut atteindre 50% du volume bactérien. Cette miniaturisation permet une augmentation du rapport surface-volume, et par conséquent une augmentation de la capacité d’obtention de substrat. De plus, lorsque les concentrations en nutriments sont faibles, la division cellulaire se réalise sans croissance cellulaire, entraînant la formation de cellules miniatures.


Protozoaires


Des protozoaires ont été mis en évidence dans les réseaux de distribution d’eau potable, au niveau de la phase aqueuse, mais également au niveau du biofilm (Amblard et al., 1996 ; Servais et al., 1995, Sibille et al., 1998) :
  • phase aqueuse : la concentration en protozoaires varie de 5.104 à 7.105 protozoaires.L-1,
  • dans le biofilm : 103 protozoaires.cm-2.
Quatre groupes de protozoaires sont mis en évidence dans l’eau circulante : ciliés, flagellés, amibes nues et thécamoebiens. Au niveau du biofilm, dans un réseau alimenté par une eau filtrée sur CAG, seuls les thécamoebiens et les ciliés ont pu être observés. En revanche, aucun protozoaire n’a pu être observé au niveau de biofilm dans des réseaux alimentés par une eau nanofiltrée. Cependant, le fait qu'ils n'aient pas été observés ne signifie pas leur absence. Un effort d'échantillonnage plus poussé permettrait peut-être de les mettre en évidence.

Les concentrations de protozoaires dans l'eau circulante et dans le biofilm, sont présentées dans le tableau II, et les différentes espèces dans le tableau III.

Eau circulante Biofilm
Flagellés 2.104 à 2.105 par litre Non détectés
Ciliés 7.102 à 3.103 par litre 3.102 à 8.102 par cm²
Amibes nues 102 à 2.103 par litre Non détectés
Thécamoebiens 103 à 3.103 par litre 5.102 à 6.102 par cm²
Tableau II : Concentrations en protozoaires, observables au sein de réseau de distribution alimenté par une eau filtrée sur CAG (Sibille et al., 1998).


Espèces ou genres
Flagellés Monas - Bodo sp.
Entosiphon sulcatum, dinoflagellés
Ciliés Chilodonella
Colpidium campilum, scuticociliés
Amibes nues Hartmanella vermiformis – Vannella mira - Cochliopodium minutum – Naegleria sp. - Vahlkampfia – Acanthamoeba
Thécamoebiens Centropyxis
Trinema lineara, Euglipha
Tableau III : liste de genres et espèces de protozoaires rencontrés dans différents réseaux français de distribution d’eau potable (Sibille, 1998).


Dans les réseaux de distribution, certains protozoaires peuvent jouer le rôle de réservoirs de bactéries potentiellement pathogènes, en développant des relations endosymbiotiques ou parasitaires. L’hôte protège alors involontairement les bactéries et leur permet de survivre au traitement de potabilisation et de se multiplier.

Ainsi, Légionella sp. peut être l’hôte de Hartmanella ou Naegleria (amibes), Mycobactérium avium et Pseudomonas Aeruginosa, de Acanthomoeba sp. (amibes nues) (Brown et al., 1999).

La résistance des protozoaires est liée à la formation de kystes, qui leur permet de résister à des conditions environnementales défavorables, telles que des milieux oligotrophes, en présence d'un désinfectant résiduel.

Ces kystes de protozoaires peuvent être pathogènes, et certains d’entre eux ont été mis en évidence au sein de réseau de distribution :
  • des kystes de Giardia lamblia, à de faibles concentrations variant de 1 à 167 kystes par 100 litres (DeLeon et al., 1993 ; LeChevallier et al., 1991 ; Rose et al., 1991). Giardia lamblia est l'agent infectieux responsable de la giardiase ou lambliase, infection asymptomatique dans la majorité des cas, mais provoquant parfois l'apparition subite de diarrhées intermittentes, accompagnées de crampes abdominales, de ballonnements, d'une fatigue et d'une perte de poids. La giardiase peut être contractée en avalant un nombre relativement peu élevé de spores de Giardia (de 10 à 100). Les personnes qui boivent de l’eau non traitée sont les plus exposées au protozoaire Giardia.
  • des kystes de Cryptosporidium parvum, à des concentrations variant de 0,5 à 2 kystes par 100 litres (DeLeon et al., 1993 ; LeChevallier et al., 1991 ; Rose et al., 1991). Cryptosporidium est l'agent infectieux responsable de la Cryptosporidiase, dont les symptômes, qui apparaissent de 2 à 10 jours après la consommation d’eau contaminée, sont des diarrhées aiguës, des vomissements, des crampes abdominales et de la fièvre. Cette maladie peut être mortelle pour les personnes immunodéprimées, notamment les personnes atteintes du SIDA.
Remarque : La situation en matière de pathologie induite par la consommation d'eau est extrêmement contrastée selon les pays. En effet la transmission de maladies infectieuses par la voie hydrique a été maîtrisée dans la plupart des pays industrialisés par la mise en place d'installations de traitement et d'un contrôle sanitaire s'appuyant sur une réglementation abondante. A l'opposé la situation des pays en voie de développement reste souvent très mauvaise.

Autres microorganismes


En plus des bactéries et protozoaires, d’autres microorganismes peuvent être observés :
  • les algues : observées au niveau des sédiments recueillis dans des réservoirs, ainsi que dans l’eau circulante, 65 espèces algales ont été identifiées (cf. tableau IV), avec une densité moyenne de 13,6.103 cellules.L-1 (Amblard et al., 1996). Cependant, à l’échelle du pilote ou du réseau réel, leur observation reste difficile (mois de 0,2 unité.mL-1). De plus, la présence d’algues semble être caractérisée par une forte variation saisonnière dans certaines eaux superficielles, et parviennent à franchir parfois les filières de traitement notamment lorsque que la charge de la ressource est très élevée (printemps et automne, lors des blooms algaux).
  • Les champignons : caractérisés par des spores abondantes et des membranes de cellules épaisses, ils peuvent résister aux traitements de potabilisation de l’eau. Leur concentration au sein des réseaux de distribution varie de 10 à 1000 unités.L-1 (Kelley et al., 1997 ; Rosenzweig et al., 1986), et différents genres ont été observés (cf. tableau IV).
  • Les levures : mises en évidence dans les réseaux de distribution, les levures peuvent y être présentes à des concentrations variant de 1 à 50 levures.L-1 (Capellier et al., 1992). Le genre le plus représenté est le genre Candida, avec des espèces telles que C. famata, C. membranaefaciens…


Genres
Algues Euchlorophycées, Zygophycées, Dinophycées, Euglenophycées, Chrysophycées, Diatomophycées
Champignons Penicillium, Aspergillus, Acnemonium, Alternaria, Botrytis, Clasdosporidium, Fusarium, Phoma, Trichoderma, Rhizopus, Mucar
Tableau IV : Liste de genres d’algues et champignons dénombrés dans différents réseaux de distribution d’eau potable (Sibille, 1998).


Les macroinvertébrés


  • Les microcrustacés : considérés comme non-dangereux, ils sont suspectés de fournir une protection contre la désinfection pour les bactéries dans leur tube digestif. Ils peuvent atteindre une longueur de plusieurs centimètres. Citons Asellus aquaticus et Gammarus pulex. Une étude d’organismes planctoniques à la sortie des stations de la Société des Eaux de Marseille a également recensé les crustacés suivants Daphnia, Bosmina, Copépoda, Ostracoda.
  • Les mollusques et les insectes : Peuvent être présents sous forme de larves ou d’oeufs (cas de chironomes pour les insectes) si elles franchissent les matériaux filtrants dans les filières de traitement. Bien qu’elles ne trouvent pas un milieu favorable à leur développement dans les réseaux, il est nécessaire de les réduire au maximum pour limiter l’apport de matière organique au réseau.