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Les pathologies respiratoires induites par les moisissures > Effets irritatifs et toxiques



L’Organic Dust Toxic Syndrome (ODTS) ou fièvre d’inhalation


L’ODTS est un syndrome inflammatoire aigu des voies respiratoires et des alvéoles qui survient après une exposition à une concentration élevée de micro-organismes : 1010 spores /m3 d’air. Ce syndrome touche en général des travailleurs en bonne santé et pose le problème du diagnostic différentiel avec les pneumopathies d’hypersensibilité (PHS). Les tâches typiquement associées sont la manipulation de grains moisis dans les silos et le nettoyage des litières des étables et des porcheries. Le travail dans des zones confinées est un facteur de risque important. La prévalence de cette maladie est de 16% en en Suède parmi les fermiers et l’incidence varie de 20 à 190 pour 10000 fermiers. Les agents étiologiques sont peu connus mais certains d’entre eux sont d’origine fongique (Beta 1-3 glucan, mycotoxines et protéinases).



Ce syndrome, autrefois dénommé mycotoxicose ou poumon de fermier (PDF) atypique, a souvent été confondu avec les AAE rencontrées en milieu agricole. Il se manifeste par des symptômes respiratoires aigus fébriles qui surviennent quelques heures après l’inhalation massive et inhabituelle de particules organiques (2), (6). Il ne requiert pas d’exposition chronique et, à la différence des AAE, peut survenir à la première exposition. De plus, il existe un phénomène de tolérance selon lequel les symptômes prédominent en début d’exposition, alors qu’ils ont tendance à progressivement s’atténuer par la suite. Il n’y a pas de signe auscultatoire, radiologique ou fonctionnel respiratoire à l’exception d’une baisse transitoire de la DLCO. Il n’y a habituellement pas de précipitines sériques ni d’alvéolite lymphocytaire, mais une alvéolite à polynucléaires neutrophiles. Le diagnostic différentiel avec une AAE paraît par conséquent facile.

Les glucanes


Les glucanes sont des polymères de glucose, biologiquement actifs, faisant partie de la membrane cellulaire des moisissures. Ils peuvent être associés à des molécules de chitine ou de manane. Ils sont également présents dans certaines bactéries et certaines plantes. Les concentrations de (1-3) beta-D-glucanes, sont globalement proportionnelles à la surface des spores, avec cependant des variations de concentration selon les espèces. Parmi 11 espèces fongiques communément isolées des habitats, la concentration par spore varie de 1 à 80. La concentration pour une spore de Cladosporium cladosporioides équivaut à 3,4x103 pg/spore. Les concentrations de (1-3) beta-D-glucanes relevées dans l’air des habitations détériorées par l’humidité varient selon les études de 0 à 19 ng/m3, de 22 à 115 ng/m3 , de 2,9 à 15,3 ng/m3 dans des écoles. Les valeurs obtenues dans les poussières d’habitats varient selon les études de 1,55 à 2,22 µg/g, et de 182 à 3507 µg/g. Ces concentrations sont corrélées positivement avec le total des moisissures viables. Les (1-3) beta-D-glucanes semblent être associés à des symptômes respiratoires des habitants de logements moisis et chez des écoliers. Après rénovation, il a été observé une diminution des concentrations de (1-3) beta-D-glucanes, passant de 11,4 ng/m3 à 1,4 ng/m3. Ils seraient impliqués dans des processus inflammatoires et stimuleraient la fonction des macrophages et des neutrophiles. Ils joueraient un rôle dans l’ODTS et la détérioration des fonctions respiratoires chez des éboueurs.

Les MCOV : Impact sanitaire des composés organiques volatils d’origine microbienne (COVm)


Présents sous forme gazeuse, ces composés, de natures chimiques très diverses telles qu’alcools, aldéhydes, cétones, éthers, esters, terpènes et terpénoïdes ou encore composés aromatiques émis par les moisissures se développant sur divers substrats (Tableau ci-après) peuvent diffuser au travers des matériaux poreux des bâtiments. Ainsi des proliférations fongiques masquées peuvent entraîner une exposition aux COVm que ces microorganismes émettent tout au long de leur croissance.

Nature chimique COVm
Alcools 1-octanol, 2-octanol, 3-octanol, 3-méthyl-2-butanol, 3-méthyl-1-butanol, 2-éthyl-1-hexanol, 1-octen-3-ol
Cétones 2-pentanone, 2-hexanone, 2-heptanone, 3-octanone
Terpènes α-pinène, β-pinène, camphène, limonène et 2-méthylfurane
Composés organiques volatils émis par des moisissures se développant dans des poussières domestiques
Certains de ces composés sont incriminés dans l’apparition d’odeurs dans les environnements intérieurs tels que la géosmine, produite notamment par Chaetomium, l’1-octen-3-ol, le 2-octen-1-ol, le 3-octanol, ou encore le 3-octanone. Penicillium commune est également susceptible de produire le 2-méthylisobornéol, dont l’odeur de moisi est caractéristique. Toutefois, certaines odeurs sont à imputer à une croissance bactérienne, notamment à l’actinomycète Streptomyces.

Concernant leurs effets sur la santé, ils sont encore à l’heure actuelle controversés.

Ainsi, l’ACGIH, en 1999, indique que des symptômes d’irritation des yeux, du nez et de la gorge ont souvent été rapportés en présence de fortes odeurs produites par une croissance abondante de moisissures. Toutefois, le mécanisme causal exact à l’origine des troubles ressentis ou rapportés n’a pas encore été établi avec certitude. L’hypothèse généralement retenue indique que ces symptômes peuvent être d’origine mécanique, induits par les particules fongiques (spores et fragments) combinée à une irritation chimique due aux produits irritants ou toxiques contenus dans les spores, tels que les glucanes, qui sont des polysaccharides constitutifs des parois cellulaires notamment des champignons. L’effet irritatif des COVm se produirait, quant à lui, sans contact direct des particules biologiques avec les muqueuses.

Parmi les COVm produits le plus fréquemment, l’éthanol possède un fort pouvoir synergique, augmentant les effets irritants et toxiques d’autres COV. Ainsi différents chercheurs scandinaves ont démontré que la concentration d’un mélange de 5 COV fongiques nécessaire pour réduire de moitié la fréquence respiratoire des souris (RD50) était 3,6 fois moins élevée que celle que l’on estimerait pour ce mélange à partir de la concentration et de la RD50 de chacune des molécules.

Certains auteurs soupçonnent les COVm de jouer un rôle dans le Syndrome des Bâtiments Malsains noté SBS défini comme un ensemble de symptômes divers et aspécifiques.

Les principaux symptômes constatés chez les personnes atteintes de ce syndrome consistent en :
  • des troubles ORL tels que rhinite, nez bouché sécheresse de la gorge,
  • des manifestations oculaires : larmoiement, irritation ou sécheresse,
  • des manifestations cutanées : prurit, érythème, sécheresse,
  • une somnolence,
  • des céphalées.


Les Mycotoxines


La toxicité des mycotoxines par voie digestive est connue mais leur toxicité par voie inhalée est débattue notamment à propos du Stachybotrys.

Les mycotoxines sont des métabolites secondaires peu volatils, élaborés par diverses moisissures. Leur biosynthèse dépend de plusieurs facteurs, dont la température, l’intensité lumineuse, le dioxyde de carbone dans l’air, les éléments nutritifs disponibles et la présence d’autres espèces en compétition. Il y aurait, selon les auteurs, jusqu’à 400 mycotoxines répertoriées. La taille des particules les contenant (ex. : spores, fragments mycéliens) ou sur lesquelles elles sont adsorbées (ex. : poussières) déterminera la profondeur de la pénétration des substances toxiques dans l’arbre bronchique. Dans l’environnement intérieur, Alternaria, Aspergillus, Chaetomium, Cladosporium, Fusarium, Memnoniella, Penicillium, Stachybotrys et Trichoderma ont été identifiés comme pouvant produire de nombreuses mycotoxines.

Parmi les mycotoxines identifiées, les mieux connues sont les familles des aflatoxines et des trichotécènes. Leur toxicité aiguë par absorption digestive a été documentée à la suite d’épidémies humaines et animales, et par expérimentation animale. Des effets hépatotoxiques, neurotoxiques, mutagènes, tératogènes et cancérigènes ont été prouvés chez l’animal par voie digestive et même respiratoire. Un lien existe entre l’ingestion d’aflatoxine et le cancer du foie chez l’homme.

Des études ont démontré que la majorité des mycotoxines sont de puissantes cytotoxines qui interfèrent à plusieurs niveaux de la vie cellulaire. Ainsi certaines mycotoxines, peuvent bloquer la production de surfactants ou détruire les macrophages au niveau pulmonaire. Certaines toxines attaquent l’intégrité de la structure de l’épithélium pulmonaire permettant à la moisissure de coloniser les cavités alvéolaires. Ces différents modes d’action ont des effets délétères sur les voies respiratoires et peuvent mener à l’exacerbation de l’asthme, à des infections fongiques (chez les personnes immunodéprimées), ou encore à des infections secondaires, en partie dues aux effets immunosuppresseurs des mycotoxines. De plus, les mycotoxines peuvent occasionner des effets systémiques plus généraux (effet sur la tension artérielle et le rythme cardiaque).

Lorsque les conditions ambiantes favorisent la prolifération fongique, plusieurs espèces de moisissures peuvent croître en même temps. Une exposition à de multiples mycotoxines peut mener à une synergie ou à une potentialisation des effets de chacune. Des mélanges de toxines ont été associés à l’Organic Dust Toxic Syndrome. Notons qu’il a également été avancé que ce syndrome pouvait être causé par l’exposition simultanée aux mycotoxines, aux glucanes, aux antigènes et aux endotoxines.

Cas particulier de Stachybotrys chartarum


Stachybotrys chartarum est une moisissure parfois associée à des contaminations fongiques du milieu intérieur. Elle produit diverses trichotécènes (satratoxine, roridine, verrucarine, etc.). Les satratoxines sont responsables d’une mycotoxicose fatale chez l’animal, la stachybotriotoxicose pulmonaire. Les satratoxines inhibent la synthèse protéique et causent des dommages à l’ADN. Les trichotécènes sont irritantes pour la peau et peuvent causer des rougeurs à faibles doses.

Une exposition par inhalation de la satratoxine élaborée par S. chartarum cause des hémorragies pulmonaires chez la souris. Ce mécanisme a été suspecté pour expliquer l’épidémie d’hémosidérose survenue, notamment, chez 30 jeunes enfants entre 1993 et 2000 à Cleveland (Plus de 100 cas aux USA de 1993 à 1998). Cependant le rôle de Stachybotrys dans les cas d’hémosidérose est controversé. La responsabilité de Stachybotrys aurait été amplifiée par les médias sans que des preuves suffisantes aient été apportées sur son rôle réel. Tout en actant de l’existence d’une hémolysine produite par ce champignon, ces auteurs argumentent autour de l’insuffisance de la contamination, de la persistance des symptômes des mois après la soustraction à l’environnement initial chez les patients survivants ou du manque de preuve apportée quand aux mécanismes probablement très complexes mettant en jeu de nombreuses espèces. D’autres auteurs soulignent la variabilité dans la production de mycotoxines selon les conditions environnementales ou le type de souche.

Pour d’autres auteurs, la production par Stachybotrys de nombreuses mycotoxines, et notamment d’une hémolysine, justifie la méfiance particulière vis-à-vis de cette moisissure. Il est probable que sa responsabilité dans des pathologies graves de très jeunes enfants soit liée à l’existence de certaines souches particulièrement aptes à produire de la stachylysine (hémolysine) dans des conditions environnementales spécifiques. L’isolement à partir du lavage broncho-alvéolaire d’un des enfants présentant une hémosidérose, ainsi que l’isolement concomitant d’une souche provenant de son environnement ont constitué une suspicion légitime envers ce micro-organisme. L’établissement d’une relation de cause à effet nécessitera probablement des études complémentaires méthodologiquement contrôlées.


NOM Effet Infectieux Effet allergisant Alvéolite Effet toxique
Acremonium X
Alternaria alternata X
Aspergillus flavus X X X
Aspergillus fumigatus X X X X
Aspergillus niger X
Aspergillus versicolor X X X
Aureobasidium X
Chaetomium X
Cladosporium sphaerospermum X
Epicoccum X
Fusarium X X X
Mucorales : Mucor, Absidia, Rhizopus X X X X
Penicillium sp. X X
Stachybotrys chartarum X X
Trichoderma X X
Trichothecium X
Moisissures fréquemment rencontrées en environnements intérieurs humides et leurs effets pathogènes