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Colonisation des produits de construction et de décoration par les moisissures



La contamination fongique des environnements intérieurs n’est pas un phénomène nouveau, il est, en effet, déjà clairement évoqué dans l’Ancien Testament (Lévitique, 14 :33-14 :57) et apparaît aussi bien dans les constructions récentes que dans les bâtiments anciens. Compte tenu du nombre croissant de plaintes liées à la présence de moisissures dans les environnements intérieurs et de l’impact sanitaire avéré de ces microorganismes, les Pouvoirs Publics commencent à s’intéresser à cette problématique.



Les moisissures, dont les spores sont généralement facilement aérosolisées par le vent, à partir des végétaux et du sol où elles se développent, sont naturellement présentes dans l’air extérieur et pénètrent, via les systèmes de ventilation ou par l’intermédiaire des occupants, dans les locaux.

La proportion de bâtiments présentant des développements fongiques en Europe du Nord et en Amérique du Nord est estimée entre 20 et 40%. Ainsi des études menées au Royaume-Uni évaluent à 30-45 % du parc immobilier, le taux de locaux moisis, tandis que 20 à 25% sont affectés aux Pays-Bas, 20 à 30% en Finlande, 40% aux Etats-Unis et 30 % au Canada.

Au Danemark, plus de 50% des écoles et des garderies présentent une croissance fongique. Toutefois, la surface des contaminations considérées dans ces divers travaux va d’une superficie de quelques cm² à des proliférations très étendues dans le cas des locaux les plus contaminés.

Matériaux vulnérables et souches fongiques associées


Dans les environnements intérieurs, la plupart des matériaux de construction et de décoration constituent des supports de choix pour la croissance des moisissures, dès lors que ces microorganismes disposent de conditions environnementales favorables, notamment une teneur en eau supérieure à 0,7 Aw soit 70%, les nutriments nécessaires au microorganisme étant fournis par le matériau lui-même ou par son encrassement.

Parmi les nombreuses études réalisées sur la thématique "moisissures-matériaux", les recherches menées par Beguin et Nolard entre novembre 1981 et avril 1992, dans 130 habitations belges, ont montré que sur les murs et surfaces horizontales présentant une contamination fongique visible, Aspergillus versicolor, Cladosporium sphaerospermum, Penicillium chrysogenum, Ulocladium botrytis, Acremonium strictum et Stachybotrys chartarum sont les espèces fongiques les plus couramment rencontrées.
Quant à la contamination des plantes, des fleurs séchées, des vanneries, du cuir, des textiles et même des aliments, elle est souvent attribuable à Botrytis cinerea, Aureobasidium pullulans, Cladosporium cladosporioides, Alternaria alternata, Aspergillus glaucus et Rhizopus stolonifer.
Une étude menée sur la contamination des salles de bain japonaises par les moisissures arrivait au même constat avec l’isolement de 34 genres fongiques dont les plus fréquents étaient Cladosporium spp., Phoma spp, Penicillium, Alternaria, Arthrinium et Ulocladium.

Plus récemment, Hyvärinen, définit et quantifie les genres fongiques isolés au sein de 1140 échantillons de matériaux de construction récupérés in situ. L'auteur répartit ces matériaux dans huit catégories : papiers, produits céramiques, matériaux d’isolation d’origine minérale, peintures, colles, plastiques, bois, et panneaux de construction en plâtre.

Parmi les genres observés au sein de ces produits, Penicillium est le genre le plus fréquemment isolé. Papiers et isolants minéraux apparaissent favorables à la croissance de Cladosporium tandis que Stachybotrys est observé le plus souvent dans les panneaux en plâtre. Aspergillus et Acremonium ne semblent, quant à eux, pas spécifiques d’un substrat et sont identifiés sur des produits en céramique, peinture, colle ou encore produits à base de bois.

Le Tableau ci-après présente les résultats de quelques études référençant les espèces fongiques isolées selon le substrat colonisé.
Matériaux colonisés Espèces fongiques isolées
MURS ET REVETEMENTS MURAUX Murs Cladosporium cladosporioides,
Aspergillus glaucus,
Paecilomyces variotii,
Penicillium glabrum
Peintures Aspergillus penicillioides,
Penicillium brevicompactum, P. chrysogenum, P. glabrum
Papiers peints Alternaria alternata,
Aspergillus penicillioides, A. versicolor
Cladosporium cladosporioides,
Paecilomyces variotii,
Penicillium brevicompactum, P. chrysogenum, P. glabrum
Trichoderma harzianum,
Chaetomium globosum
Bois Penicillium brevicompactum
Colle Aspergillus versicolor
Caoutchouc des cadres de fenêtre Cladosporium cladosporioides
SYSTEMES DE TRAITEMENT D'AIR Filtres et conduits Aspergillus fumigatus
Réservoirs d'eau, humidificateurs Exophiala jeanselmei
PRODUITS DE DECORATION Textiles Aspergillus niger, A. sydowii,
Cladosporium cladosporioides, Cladosporium sphaerospermum,
Aspergillus nidulans, Aspergillus glaucus
Penicillium brevicompactum, P. chrysogenum,
Trichoderma harzianum,
Wallemia sebi,
Tapis Aspergillus nidulans, A. glaucus
Paecilomyces variotii,
Penicillium chrysogenum
Cuir Aspergillus niger, A. penicillioides, A. sydowii,
Cladosporium sphaerospermum,
Paecilomyces variotii
Archives Aspergillus glaucus
Chaetomium globosum
Matériaux cellulosiques Aspergillus sydowii,
Stachybotrys chartarum
Caoutchouc vulcanisé Cladosporium sphaerospermum,
Penicillium brevicompactum
Produits céramiques Aspergillus versicolor
Papier Penicillium glabrum,
Wallemia sebi
Plastiques Penicillium glabrum
Polyuréthane, tapisserie renfermant de l'arsenic Aspergillus niger,
Cladosporium sphaerospermum
Synthèse de quelques espèces fongiques isolées à partir de divers matériaux


Mécanismes de biodégradation


La colonisation des matériaux par les moisissures induit généralement leur biodégradation et résulte de deux types de mécanismes :
  • Action physique, liée au développement des hyphes dans le matériau, qui conduit à la rupture de la structure du support.
  • Action chimique imputable à la production de divers métabolites qui agissent par assimilation ou déssimilation.
Lors des processus d’assimilation, les constituants du matériau sont utilisés comme nutriments après avoir été réduits par diverses enzymes extracellulaires qui facilitent la pénétration des hyphes dans le matériau.

Les processus de déssimilation sont liés à la production d’acides organiques et de pigments. Les acides organiques, tels que les acides gluconique, citrique, oxalique, malique, succinique, itaconique…, produits en quantités variables durant l’activité métabolique sont capables de réagir avec le substrat par dissolution des cations ou par chélation des ions métalliques présents dans les peintures, par exemple. Cette dernière réaction peut conduire à la formation de sels. Ainsi, l’acide oxalique réagissant avec le calcium donne naissance à des oxalates de calcium.

Le dioxyde de carbone, produit par tous les organismes aérobies et notamment les moisissures lors de la respiration, joue également un rôle dans la dégradation des supports. En effet, à partir d’un certain taux d’humidité, ce gaz peut se transformer en acide carbonique, capable de dissoudre le calcium et le magnésium pour former des bicarbonates de calcium et de magnésium hydrosolubles.

Outre l’action directe de ces acides, leur production favorise la croissance d’espèces fongiques acidophiles qui pourront poursuivre la dégradation du support.

Les moisissures produisent également des pigments organiques, résultant de l’activité métabolique, à l’origine de l’apparition de tâches sur les matériaux colonisés tels que les papiers peints, quasiment impossibles à éliminer sur des surfaces peintes, par exemple.

Matériaux : source de pollution d’origine biologique


La dégradation des substrats par ce type de microorganismes peut s'accompagner de l'émission de substances potentiellement irritantes voire toxiques pour les occupants des locaux contaminés (mycotoxines et composés organiques volatils), ainsi que de particules biologiques.

Concernant le relargage des particules fongiques à partir d’un substrat colonisé, si le mécanisme principal d’émission des spores est le flux d’air, d’autres facteurs entrent en jeu dans ce phénomène.

Ainsi, Becker a démontré, en 1994, que l’activité hydrique, l’humidité et la température ambiantes, l’oxygène disponible, la présence de nutriments, les interactions ioniques et électrostatiques ainsi que la texture de la surface contaminée affectait la formation et l’émission des spores fongiques à partir de leurs sources.

Par ailleurs la vitesse d’émission des spores dépend de l’espèce, comme l’a démontré en 2003 Kildesø, dans des travaux menés sur neuf moisissures typiques des environnements intérieurs se développant sur des panneaux de plâtre recouverts de papier peint mouillé dans des conditions contrôlées.

Enfin, concernant la quantité de spores émise, des tests réalisés à partir de cultures fongiques sur milieux gélosés et matériau en fibre de verre ont montré que ce paramètre était proportionnel à la vitesse de l’air et inversement proportionnel à l’humidité de l’air.

Duchaine et Meriaux précisent que des spores sèches telles celles de Penicillium sp., Cladosporium sp. et Aspergillus sp.sont plus facilement aérosolisées que les spores humides telles celles de Stachybotrys sp, Acremonium sp. et Trichoderma sp. Néanmoins parmi les spores sèches, Gorny et coll, ont montré que la circulation d'air turbulente peut libérer des spores d'Aspergillus et de Penicillium plus facilement que celles de Cladosporium attribuant ce phénomène au fait que les spores les plus mûres des deux premiers genres fongiques sont naturellement situées au-dessus de la surface mycélienne, alors que pour Cladosporium sp. ces particules sont enfoncées dans la structure hyphale.

Aspect normatif et réglementaire


Depuis quelques années, les ouvrages et matériaux de construction sont soumis à une directive européenne qui définit des exigences essentielles auxquels ces systèmes doivent répondre. Ainsi, l'exigence essentielle n°3 intitulée "Hygiène, santé et environnement", qui concerne "l'élimination ou la maîtrise des polluants dans l'environnement intérieur" précise que les produits "doivent offrir un environnement intérieur sain aux occupants et aux utilisateurs, eu égard aux sources de pollutions" telles que les particules viables, y compris les microorganismes comme les moisissures.

Aussi, la vulnérabilité des produits vis-à-vis d'une contamination d'origine fongique apparaît comme un critère important à définir.

Dans ce contexte il existe plusieurs normes d'origines diverses dont l'objet est de déterminer le comportement des produits face à une contamination fongique.

Les procédures d'évaluation proposées comportent trois phases récurrentes, à savoir, la contamination des produits, l'incubation du matériau contaminé en conditions statiques, et l'évaluation du développement microbien.



Pour la plupart des normes, deux modes de contamination sont préconisés :
  • pulvérisation d'une suspension liquide ;
  • dépôt des microorganismes à partir d'un inoculum liquide ou plus rarement sec.
Les échantillons, selon les documents, sont incubés à des températures comprises entre 25 et 32,5±1 °C, à des humidités relatives proches de la saturation pendant des durées comprises entre 14 jours et 16 semaines, une période de 1 mois étant la plus généralement répandue.

La plupart des techniques d'évaluation consistent à déterminer, de manière quantitative, par la mesure de la biomasse fongique, ou semi-quantitative, le niveau de développement. Ces dernières peuvent prendre différentes formes telles que la détermination du taux de recouvrement superficiel du produit, qui présente selon les documents, une échelle de cotation comprenant 5 à 7 niveaux, la mesure du diamètre du développement microbien ou encore la comparaison de la croissance avec des photographies de référence.

D'autres techniques, moins répandues, s'appuient sur la variation de masse ou la modification de diverses propriétés physiques, non précisées dans les textes référencés.

Concernant les microorganismes d'essai, seul le document BS 1982-3 : 1990 (18) impose les espèces à utiliser. Ainsi, généralement, le choix des espèces fongiques reste à l'appréciation des laboratoires ou des "commanditaires" des essais. Dans ce cas, les souches utilisées seront référencées dans le procès-verbal.

Dans le cadre de l'exigence essentielle n°3 de la directive européenne, (22), le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment a mis en place le Comité Environnement – Santé de l’Avis Technique (CESAT) qui évalue, dans le cadre de la procédure d’Avis Technique, et en complément de l’appréciation de l’aptitude à l’emploi, les caractéristiques environnementales et sanitaires des produits et systèmes innovants.

Dans ce contexte, un protocole d'essai, destiné à évaluer la résistance des produits de construction et de décoration face à une contamination d'origine fongique, a été mis au point et validé. Une classification comportant trois catégories (fongistatique, inerte et vulnérable), conforme à la norme internationale NF EN ISO 846, est utilisée.

Ce protocole a d’ores et déjà été employé pour évaluer les performances de toute la gamme des produits d'isolation. Des différences importantes selon la nature du matériau ont ainsi été observées (Document CSTB à paraître).